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Adolphe Muzito : « Caution électorale et financement des partis politiques, qui doit à qui ? »

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Si les candidats à la veille des élections ont payés et sont encore prêts à payer la caution électorale, le Gouvernement central n’a jamais décaissé la subvention de l’Etat au fonctionnement des partis politiques (entre 0,5% et 1% des recettes internes du Budget) ni la participation de l’Etat au financement des campagnes électorales (2% des recettes visées ci-dessus). En réalité, la Loi n° 08/005 du 10 Juin 2008 portant Financement public des partis politiques est restée lettre morte. Le Premier Ministre honoraire, Adolphe Muzito estime qu’une conciliation des comptes s’impose entre le Gouvernement et les Partis politiques pour mieux savoir : qui doit à qui ? Zoom Eco vous propose, ci-dessous, la 17ème Trubune d’Adolphe Muzito.

Dans ma 8ème tribune intitulée : RDC, un royaume d’aveugles conduit par des borgnes, publiée le 21 septembre 2015 (Editions l’Harmattan, Paris 2016), je relevais la faiblesse des partis politiques dont il était difficile de témoigner de leur existence réelle du point de vue de leur taille électorale, de leur légitimité, de leur ancrage dans le peuple.

En introduisant le sujet, je disais d’emblée « Dans les démocraties modernes, le succès des Etats et des économies, dans leur processus de construction et de développement, est fonction de la force et de la solidité historique et idéologique des partis politiques qui les conduisent et  s’alternent à la tête des pays.

Je plaidais également en faveur des révisions de textes légaux en vue d’aboutir, entre autres, à la matérialisation des financements des partis ou des regroupements politiques à de conditions strictes, de manière à les épargner de la précarité et de leur subordination vis-à-vis de leurs cadres ou mandataires au pouvoir, qui généralement les soumettent à leurs intérêts conjoncturels.

Je me réjouis de la dernière révision de la loi électorale qui va dans le sens d’encourager le regroupement des partis politiques, grâce à la notion du « seuil ».

Cependant, je constate, et cela a été dénoncé par mon parti à travers le message de son Chef, le Patriarche Antoine Gizenga, que la majorité au pouvoir a augmenté la caution électorale à charge des partis politiques, au profit du Trésor public, à un niveau prohibitif, sans une perspective, intégrer celui de rendre effectif le financement desdits partis politiques.

Ma réflexion de ce jour concerne justement la loi n°08/005 du 10 juin 2008 portant financement public des partis politiques, loi restée lettre morte dont ni le législateur ni le citoyen ne parle.

Cette loi est en cohérence avec l’article de la Constitution et dote les partis politiques des moyens pour atteindre les objectifs leur définis dans cette même constitution.

Elle constitue pour le bon fonctionnement de la jeune démocratie congolaise, avec la loi électorale, un des piliers.

Cette loi demande au Gouvernement de doter les partis politiques des moyens pour la campagne électorale et pour leur fonctionnement. Ces deux lois, la loi électorale et celle relative au financement des partis politiques, ne se contredisent pas. Au contraire elles se complètent.

Suivant l’article 28 de cette dernière loi, son entrée en vigueur était fixée à partir de la législature de 2012.

Exposé des motifs

Dans l’exposé des motifs, la loi relative au financement des partis politiques donne la motivation à ce financement :

  1. Stabiliser et consolider la démocratie pluraliste par le renforcement préalable de la capacité d’action des partis politiques ;
  2. Assurer une plus grande indépendance des partis politiques ;
  3. Garantir l’égalité des chances entre tous les partis politiques représentés aux assemblées délibérantes par un mode de calcul simple qui repose sur le nombre de leurs élus respectifs. Le mode de calcul des crédits à allouer se fait selon un coefficient de pondération variant de l’Assemblée Nationale et du Sénat aux organes délibérants locaux ;
  4. Contribuer à la moralisation de l’activité politique par une plus grande transparence ;
  5. Promouvoir la vertu de l’égalité de traitement ;
  6. Doter les partis politiques d’un minimum de moyens pour le financement de leurs activités politiques.

Les statistiques que je vous donne ci-après devraient faire prendre conscience à l’opinion, militants et cadres des partis politiques, de l’ampleur des enjeux et du devoir de l’Etat de remplir les obligations pour les objectifs ci-dessus énumérés.

En vous donnant ces statistiques, je voudrais confirmer avec le Patriarche Antoine Gizenga que la loi électorale a érigé une discrimination fondée sur l’argent, alors que le pouvoir d’achat des congolais ne fait que se dégrader au jour le jour. Nous sommes donc en face d’un scrutin censitaire ceci, sans en contrepartie appliquer la loi relative au financement des partis politiques.

Pour preuve, je vous présente ci-après les statistiques des élus et leurs cautions (Tableau n°1, n°2 et n°3) :

Tableau n°1 : Statistiques des élus (Président de la République,
                     Députés nationaux et provinciaux, Sénateurs et

                     Gouverneurs) et leurs cautions

ORGANENbreCAUTIONS ($)
UnitéTotal
1Président                             de la République1  100 000     100 000
2Assemblée nationale : Députés nationaux500      1 000     500 000
3Sénat :                               Sénateurs108      1 000     108 000
4Assemblée provinciale (1) : Députés provinciaux780         600     468 000
5Gouverneurs (2) :               Titulaire26      6 000     156 000
 Total élus et cautions1415       1 332 000  
(1) : 780 Députés provinciaux à raison d’une moyenne de 30 Députés  par province sur les 26

(2) : Vice-Gouverneur non repris parce que non organe

 

 

Tableau n°2 : Statistiques des élus locaux (Conseillers urbains, Maires, Conseillers communaux, Bourgmestres, Conseillers de secteurs,

                    Chefs de secteurs) et leurs cautions

 
ORGANENbreCAUTIONS ($)
UnitéTotal
1Conseillers urbains960         320     307 200
2Maires96      1 600     153 600
3Conseillers communaux6040         220  1 328 800
4Bourgmestres604         470     283 880
5Conseillers des secteurs5976         100     597 600
6Chefs de secteur747         300     224 100
 Total élus et cautions14423       2 895 180  

Tableau n°3 : Tableau (1) + Tableau (2)

ORGANENbreCAUTIONS ($)
Total
1Tableau (1)1415 

1 332 000

2Tableau (2)14423 

2 895 180

Total élus et cautions (*)15838 

  4 227 180  

Le total des montants de la caution, soit 4.227.180 $US, est énorme et n’est à la portée d’aucun parti politique congolais par ses propres finances.

A ce montant exorbitant s’ajoutent des frais de campagne (voyages, meetings, rassemblements et rencontres) qu’il faut évaluer à plus ou moins 5.000 $ US par candidat.

Le financement de l’Etat tel que prévu par la loi relative au financement des partis politiques votée en 2008 par la majorité dirigée par le Patriarche Antoine Gizenga à la tête du Gouvernement, loi, restée lettre morte, a été promulguée par le Président de la République le 10 juin 2008.

Cette Loi trouve son fondement juridique dans l’article 6 de la Constitution qui dispose, d’une part, que les partis politiques concourent à l’expression du suffrage, au renforcement de la conscience nationale et à l’éducation civique et, d’autre part, que les partis politiques peuvent recevoir de l’Etat des fonds publics destinés à financer leurs campagnes électorales ou leurs activités, dans les conditions définies par la Loi.

Dans tous les cas, le financement dont question n’est que subsidiaire, en ce sens qu’il ne vient qu’en appui aux ressources propres des partis politiques et, partant, ne peut être source d’enrichissement personnel.

Le financement public est constitué des fonds prévus aux crédits budgétaires de l’Etat. Il concerne aussi bien les dépenses couvrant les activités permanentes des partis politiques que celles consacrées à l’organisation des campagnes électorales.

Le montant de la subvention à inscrire chaque année dans la Loi des finances pour contribuer aux dépenses de fonctionnement des partis politiques ne peut être ni inférieur à 0,5% ni supérieur à 1% de la totalité des recettes à caractère national revenant à l’Etat et, d’autre part, la participation de l’Etat au financement des campagnes électorales à inscrire dans la Loi de finances de l’année qui suit l’organisation de chaque consultation électorale est fixée à 2% des recettes visées ci-dessus. (articles 5 et 9).

Dans la huitième tribune déjà citée, j’avais présenté cette question et je formulais les suggestions ci-après :

  • Le changement des textes sur :
  • les partis et les regroupements politiques dans le sens du renforcement des dispositions relatives aux conditions de leur création, de leur autorisation, de leur fonctionnement et de leur financement ;
  • le mode de scrutin en vue de passer du scrutin proportionnel, qui contribue à l’émiettement, au scrutin majoritaire ;
  • la disposition relative au tour unique pour le scrutin présidentiel, lequel ne favorise pas l’expression démocratique au premier tour et le regroupement au second ;
  • la matérialisation des financements des partis ou regroupements politiques à de conditions strictes, de manière à les épargner de la précarité et de leur subordination vis-à-vis de leurs cadres ou mandataires au pouvoir, qui les soumettent à leurs intérêts conjoncturels.

L’appel aux dirigeants des partis politiques : 

  • Travailler à doter leurs partis des identités politiques, idéologiques ainsi que des projets de société et des programmes sur lesquels ils devront communiquer en direction du peuple en général et de leurs militants et sympathisants en particulier ;
  • Former et encadrer leurs militants et sympathisants ;
  • Organiser leurs partis en les dotant d’un leadership clair et clairvoyant ;
  • Signer des alliances sur base des principes, des valeurs portées par des programmes gouvernementaux ou électoraux, d’idéologies et non pas sur base de l’appétit du pouvoir ;
  • Encourager les cotisations des militants, pour la survie, le fonctionnement et le développement du parti ;
  • Tordre le coup au concept d’autorité morale qui n’est pas de nature à garantir les principes de responsabilité et le devoir de recevabilité.

En vue d’éviter la complaisance et les détournements des fonds par les bénéficiaires de ce financement, la Loi distingue les règles de gestion pour le fonctionnement courant de celles à suivre dans la gestion des fonds reçus aux fins de la campagne électorale.

Modalités et conditions d’éligibilité aux financements

L’éligibilité à ce financement est soumise à un certain nombre de conditions (article 3), notamment: être représenté au moins à une des assemblées délibérantes et introduire une demande écrite à la Commission institutionnelle prévue dans la présente Loi.

Le financement public est organisé de manière à :

  • Stabiliser et consolider la démocratie pluraliste par le renforcement préalable de la capacité d’action des partis politiques;
  • Assurer une plus grande indépendance des partis politiques;

La subvention est allouée aux partis politiques représentés au moins à une des assemblées délibérantes, proportionnellement au nombre de leurs élus.

Les assemblées délibérantes visées à l’alinéa précédent sont (article 7) :

  • l’Assemblée nationale;
  • le Sénat;
  • l’Assemblée provinciale;
  • le Conseil Urbain;
  • le Conseil Municipal;
  • le Conseil de Secteur ou de Chefferie.

Les listes des élus par parti politique sont fournies par les bureaux respectifs de ces assemblées.

L’Etat participe à posteriori au financement des campagnes électorales des partis politiques.

En effet, le montant de la participation de l’Etat est inscrit dans la Loi de finances de l’année qui suit l’organisation de chaque consultation. Il est fixé à 2 % de la totalité des recettes à caractère national revenant à l’Etat (article 9).

Les fonds publics destinés au financement des campagnes électorales sont répartis entre les partis politiques conformément à l’article 7 de ladite Loi.

Les subventions allouées aux partis politiques à des fins de fonctionnement ou de campagnes électorales sont fixées et mises à leur disposition par une Commission interinstitutionnelle.

CONCLUSION

Le financement des élections et du fonctionnement des partis politiques en RDC serait un gain à la vie politique du pays.

Ce financement répond aux exigences de la constitution qui voudrait donner l’égalité de chance à tous les partis y compris ceux au pouvoir afin que ces derniers ne soient pas les seuls à disposer des moyens financiers pour leur fonctionnement.

Un autre avantage du financement des partis politiques est la fin du débauchage tant décrié de la part de ceux qui gèrent les deniers publics pour déstabiliser ceux de l’opposition dépourvus des ressources.

Troisièmement, ce financement donne aux partis politiques le pouvoir d’affirmer leur autorité face aux mandataires et aux membres de l’Exécutif et d’assumer leur rôle dirigeant. C’est à ce seul prix que le Congo deviendra grand parce qu’animé par de grands partis politiques, stables et viables.

C’est une voie qui conduit à la construction de la cohésion nationale dont dépendent les grands partis et dont peut se prévaloir aussi le Chef de l’Etat.

Aussi, la gestion des subventions allouées aux partis politiques obéit aux règles de la comptabilité publique et soumise au contrôle de la Cour des comptes (article 16).

La loi a établi les procédures d’allocation de contrôle et des sanctions.

Le paradoxe aujourd’hui est que la Majorité présidentielle, a refusé de subventionner les partis politiques, au quinquennat 2012-2016 et de rembourser aux candidats présidents de la République (Kabila, Tshisekedi, Kamerhe, Kengo,..) et aux Députés nationaux, au courant du quinquennat qui vient de s’achever,  mais au contraire veut leur enlever le peu de ressources venant des cotisations et des dons de leurs militants en leur exigeant une caution de près de 5 millions de $US, leur privant ainsi de leurs petites ressources qui leur auraient permis de financer la campagne de prochaines élections de décembre 2018.

Aujourd’hui, en perspective des élections à venir, une conciliation des comptes s’impose pour mieux savoir : QUI DOIT A QUI ?

Fait à Kinshasa, le 31 janvier 2018

Adolphe MUZITO

Député national et Premier Ministre honoraire

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