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RDC : Dérogations et loi sur la sous-traitance privée en RDC : clap de fin ? ( Tribune)

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Depuis l’entrée de la Loi n°17/001 du 06 février 2017 fixant les règles applicables à la sous-traitance dans le secteur privé, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer les failles de cette législation. Cependant, il faut saluer les efforts conjoints des différents gouvernements ainsi que de l’Autorité de régulation de la sous-traitance dans le secteur privé (ARSP) à rechercher des solutions pour pallier aux insuffisances de la loi.

La dernière avancée est l’arrêté ministériel fixant les modalités de gestion des dérogations aux dispositions de l’article 6 de la loi sur la sous-traitance privée en RDC. Mais ce nouveau texte semble aussi soulever de lourdes interrogations sur l’avenir de loi sur la sous-traitance privée en RDC. Retour en deux questions sur les inquiétudes engendrées par ce nouvel arrêté.

Pourquoi procéder par voie d’arrêté ?

L’Autorité de régulation de la sous-traitance dans le secteur privé (ARSP) a été créée par le décret n°18/019 du 24 mai 2018 qui en son second article dispose qu’outre la loi portant dispositions applicables aux établissements publics et le décret l’instituant, l`ARSP est soumise au respect de la loi n°17/001 du 8 février 2017 fixant les règles applicables à la sous-traitance dans le secteur privé. Par conséquent, toute méconnaissance de cette dernière par l`ARSP équivaut à une violation du texte l’instituant.

Du décret n°18/019 du 24 mai 2018, nous pouvons retenir deux choses. Premièrement, l’ARSP a pour objet « la régulation des activités de la sous-traitance commandée par les entreprises privées opérant dans tous les secteurs de l`économie nationale ». Deuxièmement, l`ARSP doit publier la liste des sous-traitants éligibles dans chaque domaine d`activité. Pour sa part, le décret n°20/025 du 12 octobre 2020, identifie le Ministre ayant les petites et moyennes entreprises dans ses attributions comme étant l`autorité de tutelle de l`ÀRSP. Pour rappel, la tutelle est un contrôle administratif mis en œuvre « par ou en vertu d`un texte à portée législative, qui pèse sur une autorité administrative décentralisée territorialement ou par service et qui [permet] à une autorité supérieure, dite de tutelle, de vérifier dans le respect dans le respect de l’autonomie de la personne décentralisée, si les actes qu`elle pose sont conformes à la loi sensu lato et à l`intérêt général » (P., GOFFAUX cité par D., RENDERS, Droit administratif général, Bruxelles, Larcier, 2017, pp. 479-480).

Le décret n°20/025 du 12 octobre 2020 précise qu’il incombe au Ministre de déterminer les conditions d’enregistrement et d’identification des sous-traitants éligibles. Ce qui a notre sens, correspond dans son chef, à la mise en œuvre de la politique de promotion de la sous-traitance dans le secteur privé telle que lui attribuée par l’ordonnance n°20/017 du 27 mars 2020 fixant les attributions des Ministères.

Par conséquent, lorsque par son arrêté n°3 du 6 janvier 2021, le Ministre ayant les petites et moyennes entreprises dans ses attributions, confère à l`ARSP le pouvoir d`accorder des dérogations permanentes au régime défini par la loi n 17/001 du 8 février 2017 fixant les règles applicables à la sous-traitance dans le secteur privé, il dépasse le cadre des compétences qui lui ont été dévolues.

Sur le plan pratique, cela permet à toute personne ayant intérêt à agir de saisir la juridiction compétente en annulation de la dérogation. En effet, cette dernière est non seulement contraire à la loi : d’une part, elle ne respecte pas les prescrits de la législation relative à la sous-traitance dont l`ARSP est la gardienne ; d’autre part, il faut constater un défaut de compétence dans le chef de l`autorité ayant octroyé.

Pourquoi autoriser des dérogations permanentes ?

L’article 6 alinéa 2 de la loi relative à la sous-traitance dans le secteur privé prévoit l’octroi de dérogations : « Toutefois, lorsqu’il y a indisponibilité ou inaccessibilité d’expertise énoncée à l’alinéa ci-dessus, et à condition d’en fournir la preuve à l’autorité compétente, l’entrepreneur principal peut recourir à toute autre entreprise de droit congolais ou à une entreprise étrangère pour autant que l’activité ne dépasse pas six mois ; à défaut, elle crée une société de droit congolais » (c’est nous qui soulignons). Il ressort de la lecture de cet article d’une part que le défaut d’expertise donne droit à une dérogation à la législation relative à la sous-traitance privée ; d’autre part, que la charge de la preuve de ce défaut d’expertise incombe à l’entrepreneur principal. L’article 3 alinéa 1 de l’arrêté ministériel susvisé est en cela conforme à la législation.

Cependant, il semble que cette conformité s’éloigne quand l’arrêté dans son article 4 alinéa 1 ouvre la possibilité à l’entreprise sous-traitante la possibilité de demander l’octroi de la dérogation. Cela s’accentue avec la possibilité pour l’ARSP de délivrer des dérogations permanentes selon l’article 3 alinéa 2 de l’arrêté ministériel susvisé : « Toutefois, en raison de la spécificité de certains marchés, certaines dérogations peuvent être accordées par l’ARSP de manière permanente ou pour une durée supérieure à six mois » (c’est nous qui soulignons).

Il faut ici rappeler que la Loi n°17/001 du 06 février 2017 a été prise pour créer de l’espace pour les entreprises congolaises dans des secteurs clés de l’économie nationale accaparés par des investisseurs étrangers (Voir Exposé des motifs, Loi n°17/001 du 06 février 2017). La situation antérieure était un obstacle au développement socio-économique du pays : « Au-delà de l’existence des PME, cette emprise affirmée, par le législateur, de l’économie par des capitaux étrangers génère non seulement un manque à gagner fiscal mais empêche aussi « la promotion de l’emploi des congolais » et « l’émergence de l’expertise nationale » » (KADIMA-NZUJI (dir.), Note d’opinion-La sous-traitance dans le secteur privé en République Démocratique du Congo : entre ambitions législatives et réalités économiques, Génération Congo, 2020, n°7).

L’octroi de dérogations supérieures à six mois est certes interdit par la loi mais pourrait constituer au mieux un assouplissement permettant aux entreprises de se mettre en conformité avec la loi à condition bien sûr que cette dérogation ne soit pas renouvelable de manière automatique à son terme et pour une durée indéterminée. A contrario, l’octroi de dérogations permanentes vide de sa substance la Loi n°17/001 du 06 février 2017 la rendant inopérante de droit. La condition de « spécificité du marché » évoquée par l’article 3 alinéa 2 de l’arrêté ministériel n’est pas pertinente face aux motifs de la loi notamment la nécessité de « l’émergence de l’expertise nationale » (Voir Exposé des motifs, Loi n°17/001 du 06 février 2017). La création d’une expertise nationale passe par le transfert de savoirs et de savoir-faire grâce à des partenariats avec des entreprises étrangères, détentrices de ces savoirs et désireuses d’investir ou de continuer leur activité en République démocratique du Congo.

Plusieurs points pourraient faire encore l’objet de débat. Cependant, l’espace de cet article ne nous permet pas d’aller plus loin. L’arrêté ministériel du 6 janvier 2021 constitue une avancée certaine dans le difficile équilibre à trouver entre les intérêts des entreprises et ceux de la collectivité. Cependant, sa rédaction risque d’entraîner de nombreux litiges notamment en termes de concurrence déloyale entre les titulaires d’une dérogation et les autres. Cela aurait pu être évité en partie par un décret du Premier ministre. De même, les effets de promotion de l’entreprenariat national, et par conséquent de son expertise, risque de se réduire à peau de chagrin. Il serait dommage que la vision du Président de la République, qui a fait de la sous-traitance dans le secteur privé un des piliers du développement socio-économique du pays, ne soit pas atteinte faute de failles persistantes dans un régime législatif nécessaire et souhaitable pour l’économie nationale.

 

Me Ganza KARAHUNGA

Professeur Madimba KADIMA-NZUJI

 

 

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