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RDC : le Conseil d’État au présent de l’indicatif, catharsis croisée à la lisière du Parlement entre deux professeurs de droit (Ngondankoy et Kodjo)

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ANALYSE CROISEE – Le vendredi 12 juin 2020, le siège du Parlement faisait l’objet d’exécution de l’ordonnance rendue par le Conseil d’Etat, le mercredi 10 juin dernier, sous ROR 121, en suspension des effets de la Décision n°10/CAB/P/AN/JML/2020 du 4 juin 2020 fixant le calendrier de l’élection et de l’installation du premier vice- président de l’Assemblée nationale tout comme la lettre n°173/AN/SG/JNK/MMM/2020 du 02 juin 2020 du secrétaire général de l’Assemblée nationale, en attendant la décision de la Cour constitutionnelle sous RCONST 1242. 

Ce jour-là, dans la cause entendue, la plaidoirie du bâtonnier national, Me. Matadiwamba pour la partie défenderesse, ouvrait un pan de perspective avec son néologisme : « référé-piège » (versus référé-liberté)… 

Dans l’enceinte purement académique, du groupe d’échanges « Faculté de DROIT/UCC» qui les réunit, prof. Paul-Gaspard Ngondankoy et prof. Kodjo Ndukuma ont croisé leurs idées pour imprimer de pierre blanche la date d’un écrit intérimaire. 

La trame des faits de la cause reste historique au terme de ce qui vient de se passer au Conseil d’État et qui arbore, en relief, le visage connu et méconnu du Pouvoir judiciaire. S’agit-il d’un nouveau virage vers un rivage ancien et présent, d’avenir ou du devenir des pouvoirs judiciaire et législatif, au nom de la Justice, de l’État de droit et de la Liberté ? 

Le professeur Paul-Gaspard Ngondankoy avance… 

Au Conseil d’État, le requérant n’a pas attaqué le vote de déchéance comme tel – qui est effectivement un acte d’assemblée d’une institution politique – mais plutôt deux décisions de deux autorités administratives de l’Assemblée nationale : la décision de Madame la présidente (autorité administrative) fixant le calendrier électoral et la lettre décisoire du secrétaire général (autorité administrative) lui demandant de restituer clés, bureaux et autres biens de l’Assemblée, en tant que ces deux décisions portent atteinte à ses droits et libertés fondamentaux. 

C’est précisément ce qui est prévu à l’article 283 de la Loi organique sur les juridictions de l’ordre administratif en matière de référé-liberté. 

En réalité, la doctrine qui considérait les actes d’assemblée (motions, votes, résolutions) comme insusceptibles de tout recours juridictionnel est aujourd’hui dépassée, dans le contexte d’un État de droit; État dans lequel aucun acte d’une autorité publique, quelle qu’en soit la nature, ne peut échapper à la rigueur du droit (Constitution, traités, lois, règlements, décisions de justice…). La plupart des juridictions constitutionnelles modernes sont allées dans ce sens. 

Je suis presque sûr que notre Cour constitutionnelle, sur la base de sa jurisprudence constante depuis 2007 (arrêts Kapuku, Cibalonza, Makila, Kazembe et crts), annulera certainement le vote de déchéance du 25 mai, si le requérant arrive à prouver que l’un ou l’autre de ses droits, en particulier son droit à la défense, a été violé par l’Assemblée nationale. 

On jasera comme d’habitude, mais la Cour constitutionnelle agira alors, dans ce cas, en tant que membre du Pouvoir judiciaire (art.149, Const.) qui a reçu mission d’être le « garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens » (art. 150 al.1er, Const.), et cela dans le cadre de la Rdc qui s’est proclamée « Etat de droit » (art. 1er, Const.). C’est le nouveau champ de compétences qu’elle s’est découvert depuis les arrêts précités. 

D’autre part, contrairement à ce que j’ai entendu dans certaines déclarations, le principe de la séparation des pouvoirs, qui reconnaît effectivement l’autonomie de chaque institution, n’exclut pas le contrôle – juridictionnel ou politique – des unes par les autres. 

Dans la mesure où ce sont la Constitution et les lois qui constituent l’étalon de mesure des actes des unes et des autres, il faut désormais s’habituer à ce que tous les actes du Parlement (actes législatifs, actes administratifs et actes d’assemblée) soient régulièrement censurés par le juge, constitutionnel ou administratif. 

Vous avez voulu de l’État de droit ! Dixit cordialement, prof. Ngondankoy, Docteur en droit de l’Université Catholique de Louvain (constitutionnaliste). 

Le professeur Kodjo Ndukuma argue… 

Il n’y a pas eu de contradiction quelconque pour ce qui est limpide. On parle souvent, « on jasera », comme si le raisonnement juridique qu’on émet doit toujours être une bataille contre les autres. La censure juridictionnelle des actes d’autres autorités législatives ou parlementaires n’est pas du tout chose nouvelle. 

Ce qui est nouveau et c’est ce que dit brillamment le prof. Ngondankoy et que je reprends par mes mots, c’est l’affirmation pleine et entière du pouvoir judiciaire sur ses compétences. 

La particularité à ressortir du clair propos du prof. Ngondankoy est que le requérant avait été bien aiguillé pour user d’une brèche tout à fait légale et tout à fait astucieuse : la demande en référé-liberté n’a nullement besoin d’un litige principal devant le Conseil d’État, contrairement à la procédure de référé-suspension, par exemple, pour être recevable devant la juridiction administrative dont la compétente se détermine en principe suivant le litige principal (lire en combinaison les articles 280, 283, 287 et 288, Loi organique n°16/027 du 16 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif [déclarée conforme à la Constitution par l’arrêt sous R.Const 309 du 109 aout 2016]) 

Des questions techniques (à aborder par nous juristes-scientifiques à froid plus tard) demeureront encore à être fixées dans cette nouvelle passerelle de « dialogue des juges » et du contrôle des actes administratifs par le Conseil d’État, notamment les questions soulevées : 

  • par l’article 135, Loi organique susdite de verser avec la requête la preuve du recours administratif préalable auprès de l’autorité émettrice de l’acte mis en cause en référé ;
  • par l’article 295, al.2, même Loi organique susdite lorsqu’il est disposé : « Les ordonnances rendues en matière de référé-liberté prévu à l’article 283 le sont en premier ressort » (fin de citation, et non en.1er et dernier ressort, lex dixit ) ;
  • par les articles 321 et suivants, même Loi organique susdite, sur les possibilités de sursis à exécution en cas d’appel ;
  • par le fait que l’article 294, même Loi organique, est intéressante, car pour les ordonnances, cet article dispose : « Par dérogation, le juge des référés peut décider de rendre exécutoire l’ordonnance aussitôt rendue. En cas d’urgence, le dispositif assorti de la formule exécutoire, peut être communiquée sur place aux parties, qui en accusent réception. Cette formalité vaut notification » (et, ce particulièrement aux « arrêts » et « jugements » du conseil d’État, cf. articles 6 et 250, Loi organique idem, qui les énumèrent et sont exécutoires de plein droit, distinctement des « ordonnances » en sémantique, en catégorie et en effets juridiques) ;
  • par le fait que le référé est une procédure en chambre du conseil, « L’ordonnance en matière des référés […] n’est pas prononcée en audience publique » (article 293, Loi organique, précitée) et sa lecture devant les médias et autres réseaux sociaux ne devraient pas faire oublier que l’espèce était non pas examinée en une audience publique mais en chambre du conseil à juge unique (sans que le relèvement de ce fait par nous n’infère quoi que ce soit sur la portée ou les effets de cette ordonnance, sous les réserves des avis au regard de la loi organique moult fois évoquée).

Nous scientifique ne devrions pas « jaser ». Nous nous sommes interrogés en tant que tel sur ce qui a toujours été su des compétences du juge des contrôles des actes législatifs, réglementaire et administratifs dans la constitution. 

La belle nouveauté mise en pertinent relief par le prof. Paul-Garspard Ngondankoy est qu’avec le bonheur du peuple et de la démocratie, en alternance au sommet du pouvoir politique, le juge et les parquets près celui- ci exercent le pouvoir judiciaire en RDC là où en France, de veille démocratie, le même juge ne prétendait qu’être « à tout casser », une autorité judiciaire. 

Tant que le seuil du « Gouvernement des juges » (Edouard Lambert) n’est pas franchi, le juge ne prenant pas ses propres idées comme le bon droit à dire, la « Justice entre politique et déchirure » (Bertrand Matthieu) sera le véritable rempart des libertés, selon le vœu de l’article 150 de la Constitution de la RDC qui suit en ordre logique l’article 149 de la même constitution sur la séparation des pouvoirs entre pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif ! Dixit cordialement, Pr Kodjo Ndukuma, Docteur en Sciences juridiques de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (Comparatiste-publiciste). 

Paul-Gaspard Ngondankoy, professeur de droit à l’UNIKIN et ancien Vice-doyen

Kodjo Ndukuma A., professeur de droit à l’UPN et actuel vice-doyen

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