Banques
Dans l’UEMOA, les banques marocaines pèsent deux fois plus que les françaises
Qui est le groupe leader en zone franc ? Dans son nouveau hors-série Spécial Finance, Jeune Afrique a décidé de donner une réponse claire et nette, chiffres à l’appui, à cette question. Comptabilisant le total de bilan cumulé, mais aussi le total des crédits, le nombre d’agences et d’employés des groupes bancaires, votre magazine a souhaité faire un bilan complet avec, en ligne de mire, l’impressionnante expansion des Marocains en Afrique subsaharienne francophone. Au final, c’est Ecobank qui tient la tête avec un total d’actifs de 4 892 milliards de F CFA (soit 7,3 milliards d’euros) dans la zone à fin 2014.
Société générale résiste à l’offensive venue du pays d’Afrique du Nord en décrochant la seconde place, avec environ 3 400 milliards de F CFA, tout juste devant BMCE Bank of Africa (presque 3 300 milliards de F CFA) et Attijariwafa Bank (2 900 milliards de F CFA). En matière de revenus (le produit net bancaire cumulé), l’ordre reste le même, à une exception près : Attijariwafa Bank grimpe sur le podium. Au regard du nombre d’agences en revanche, le classement bascule : Attijariwafa Bank décroche le premier rang, avec 353 agences en zone franc, contre 305 pour Ecobank, 260 pour BMCE Bank of Africa et seulement 190 pour Société générale.
Nouveaux géants
Collectivement, les banques marocaines affichent désormais un total d’actifs 1,4 fois supérieur à celui des françaises.
Quasiment absent de cette zone il y a une décennie, à quelques anecdotiques exceptions près (Banque populaire dans la Banque populaire maroco-centrafricaine ou BMCE dans la Banque de développement du Mali et La Congolaise de Banque), ces nouveaux géants de l’espace francophone se sont développés très rapidement, tandis que les groupes français historiquement leaders ralentissaient ou se retiraient.
Les Marocains ont percé à coups d’acquisitions : reprise en 2008 des filiales du Crédit agricole dans la zone franc par Attijariwafa Bank, montée progressive de BMCE Bank dans le tour de table et le management de BOA à partir de 2008 également et, en 2012, acquisition de 50 % d’Atlantic Business International (ABI), holding contrôlant le groupe Banque Atlantique dans la zone UEMOA, par Banque populaire. Elles ont ensuite continué de se déployer activement avec des installations dans de nouveaux pays.
Le parc d’agences des groupes bancaires de la zone UEMOA est passé de 528 à 1 427 unités depuis 2006. Plus de la moitié de cette augmentation est due aux Marocains
La récente annonce de l’achat de BIA Niger par Banque populaire, opération qui vient d’être autorisée par la BCEAO, devrait ainsi propulser la filiale du groupe marocain dans ce pays (Banque Atlantique Niger) en première place.
Agences
Selon des données calculées pour J.A. par Devlhon Consulting, les banques marocaines sont également moteur dans la création d’agences dans la sous-région.
D’après ce cabinet de conseil, le parc d’agences des groupes bancaires de la zone UEMOA est passé de 528 à 1 427 unités depuis 2006. Plus de la moitié de cette augmentation est due aux Marocains. C’est d’ailleurs dans cette sous-région que ces derniers sont désormais de véritables poids lourds, pesant parfois un tiers du système bancaire local : globalement, leurs actifs cumulés dans l’UEMOA sont deux fois supérieurs à ceux des françaises.
Une suprématie inachevée
Pour l’instant, la suprématie des banques marocaines en zone franc reste inachevée pour deux raisons. D’une part la force d’une poignée de groupes subsahariens qui, à titre individuel, continuent de dominer la scène régionale malgré l’offensive étrangère.
D’après les calculs de J.A., Ecobank demeure, et de loin, le principal groupe bancaire actif dans l’UEMOA, avec environ 3 143 employés et 252,7 milliards de F CFA de revenus, soit 1,7 fois le produit net bancaire cumulé de BMCE Bank of Africa dans la région.
Les groupes marocains semblent connaître de vives difficultés pour pénétrer les six pays de la Cemac
En Afrique centrale, BGFI Bank et Afriland restent les maîtres du jeu, avec de solides positions au Gabon, en Guinée équatoriale, au Congo et au Cameroun… Surtout, les groupes marocains semblent connaître de vives difficultés pour pénétrer les six pays de la Cemac. BMCE Bank contrôle certes la Congolaise de Banque, mais sa filiale, BOA, attend depuis plusieurs années son premier agrément dans cette zone (au Cameroun).
Attijariwafa Bank a de solides positions dans ce pays, au Gabon et au Congo, mais reste absent de trois autres pays. Quant à Banque populaire, faute d’avoir intégré, pour le moment, Banque Atlantique Cameroun, elle ne compte dans la région qu’une toute petite activité, via la Banque populaire maroco-centrafricaine. Résultat : en zone Cemac, les filiales des banques françaises sont encore deux fois plus importantes par la taille d’actifs que celles des banques marocaines. La situation durera-t-elle ?
Risques
L’avertissement lancé en mai par Abdellatif Jouahri, gouverneur de la Bank Al-Maghrib (BAM), aux banques du pays sur la maîtrise des risques que comporte leur expansion panafricaine pourrait laisser croire à un ralentissement des développements géographiques. Mais ce dernier est peu probable, tant que les capitaux en jeu restent modestes.
BMCE Bank of Africa vient d’ailleurs d’annoncer l’acquisition de 90 % d’Agaseke Bank, une petite institution de microfinance au Rwanda. La Cemac reste d’ailleurs une zone prioritaire pour Banque populaire.
Dans une interview accordée à Jeune Afrique dans le même hors-série, Mohamed Benchaaboun le confirme : « Dans les deux prochaines années, nous devrions compter deux ou trois pays supplémentaires en zone Cemac », avec le Cameroun et le Gabon parmi les priorités.