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RDC : affaire H. Watanabe, une victime présumée de « sextorsion » peut-elle faire l’objet des poursuites judiciaires ?

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TRIBUNE – La sextape qui fait le tour des réseaux sociaux, mettant en scène la star de la musique congolaise, Héritier Watanabe et sa partenaire Naomie Mbando, relance la problématique de la répression de l’infraction liée au vol de données personnelles et leur publication sur le cyberespace en Rd Congo.

Dans une tribune transmise à Zoom Eco, le professeur en Droit du numérique Kodjo Ndukuma donne son avis d’expert en cyberespace africain.

Il estime que si l’artiste et sa compagne sont acteurs de cette vidéo pornographique, rien ne prouve qu’ils en sont les diffuseurs intentionnels. Dans cette hypothèse, Watanabe et Mbando seraient victimes de « sextorsion » (vol de données personnelles et leur publication) de leurs prouesses donjuanesques en tenu d’Adam.

En effet, pense cet expert en Droit du numérique, ce qui aurait été soustrait à Héritier Watanabe depuis sa chambre dit « Kuzu » et son téléphone dit « tshombo » semble démontrer qu’il a été, par présomption, victime de vol de ses données par un présumé cambrioleur d’images de ses bisous langoureux avec sa belle dulcinée.

« Le juge congolais, comme nous le disions déjà au 1er mars 2017, devrait évoluer avec son temps et rechercher voleur et le diffuseur des données personnelles dérobées. Sinon, ce serait comme condamner pour meurtre celui à qui on a volé l’électricité et dont le raccordement frauduleux a électrocuté un tiers », a – t – il rappelé.

Contrairement à des pays qui ont adapté leur législation en cette matière, en Rd Congo, insiste – t – il, le pauvre Héritier Watanabe est sous la vindicte des moralistes (souvent hypocrites, meilleurs connaisseurs du Kamasutra).

Ci-dessous, l’intégralité de la TRIBUNE :

« Les choses les plus extraordinaires sont les plus simples, seuls les enfants et les savants en ont fait la découverte » (Paulo Coelho, L’alchimiste). Une vidéo du musicien Héritier Watanabe circule sur les réseaux sociaux numériques, l’illustrant dans un auto-filmage d’une scène de conjonction sexuelle. Très vite, l’infraction d’attentat à la pudeur est évoquée. Les journaux annoncent qu’il est interpellé par la police judiciaire afin d’y répondre.

Les juristes  se posent la question si l’autorité judiciaire peut se saisir des faits du monde virtuel pour attraire un sujet sur le terrain des poursuites pénales. Les moralistes condamnent l’acte, mais quel acte ? L’acte sexuel ? Le fait de se filmer entre quatre murs ? Les paroles scabreuses que l’instant jouissif arrache à la langue du garçon qui se dit n’avoir jamais gouté à telle chair, et jurant par Bacchus et, la nature qui a forgé une telle plastique qu’il ne lâcherait tel délice que si par impossible son goût exquis pouvait trouver équivalent.

Que des imprécations du plaisir de sens ! Qu’a vu le juriste derrière la scène de nue? Non pas l’union des corps, mais l’horizon du droit.

Si l’horizon souligne l’infini de Victor Hugo, ce même horizon, pour Philipe Moreau-Defarges recule donc à mesure qu’on s’y approche. Alors, nous avons décidé de préciser, avec notre crayon du savoir, les perspectives du droit du Numérique. Le crayon de Dieu n’a pas de gomme ; celui des organes de la loi devrait s’éviter de mauvaises esquisses. Il faut donc que la doctrine dessine le visage du droit nouveau qui fait de l’acteur d’un sexe tape plutôt la victime de la « revanche pornographique ».

L’ère numérique défie le droit, obligeant de nouvelles théories de rattachement de la compétence de juge sur les réseaux sociaux numériques. Le cartésianisme du droit offre le pouvoir de juger du virtuel qui tient lieu du réel. Nos avatars informatiques sur Internet sont face à la loi, pourvu que le lien soit fait entre le territoire physique et le territoire intellectuel, comme ce cordon d’argent qui relie notre soma de glaise à l’univers de la psyché…

Si par ailleurs et sans aucun doute, les réparateurs de téléphones et d’ordinateurs percent nos coffres-forts numériques comptes perso Facebook, Snapchat, outlook y configurés…), ne sont-ils pas finalement de vils voleurs de la classe des « voleurs de données » comme ceux de l’électricité au regard du droit de l’immatériel ?

Principe de la territorialité des infractions et les réseaux sociaux

L’Internet est un environnement déterritorialisé, mais répondant au principe (souvent ajusté) de territorialité. Sans quoi, le droit étatique serait inapplicable à un cybermonde, déjà sans chérif, dont les faits cybernétiques comportent de réels effets cinétiques.

L’internet est l’un des rares « territoires opérationnels » dont les influx virtuels ont des échelles physiques de dégâts. Le virtuel est la réalité de notre monde. Il est l’abus de langage pour la fragmentation des flux informatiques, des processus techniques opératifs sur un réseau à existence physique avec des antennes et des terminaux.

La source de l’illusion tient de la transmission de l’information à travers les « kilomètres invisibles » derrière les antennes de réseaux (serveurs, routeurs, câbles enfouis, spectre des fréquences radio…), alors que les réseaux disposent d’infrastructures, matériels et équipements physiques logés sur les territoires de plusieurs Etats, y compris dans l’espace extra-atmosphérique (satellites de communication).

Aussi, nos médias (TV, Smartphones, Ipad, ordi) ne sont-ils pas connectés à du virtuel, mais « dernier kilomètre », le last mile, qui relie les réalités incorporelles (son, texte, image, traduits en signaux électroniques) à nos organes sensoriels grâce au micro du téléphone pour le son à l’oreille, à l’écran tactile pour la vue et le toucher. Notre ordi est le contenant d’un contenu relevant d’une architecture physique. Le territoire de l’Etat permet à ce dernier de déployer son autorité de commander par la norme (Législatif), de gouverner (Exécutif) et de juger (Judiciaire). Ce territoire étatique est Terre, Mer, Air, Espace extra-atmosphérique, mais aussi cyberespace.

La législation comparée, la doctrine et la jurisprudence ont déjà appréhendé le cyberspace comme un territoire directionnel, un territoire intellectuel en vue d’y appliquer nos lois territoriales. C’est ainsi qu’en vertu des lois et constantes jurisprudences en France, les juges de l’Hexagone sont territorialement compétents pour connaitre des infractions cybernétiques si un seul de ses éléments constitutifs est localisé ou localisable sur son territoire national.

En grand renfort de ce principe légal, les juges retiennent la doctrine de l’ « activité dirigée ». C’est un principe désormais prétorien. La juridiction territoriale est compétente pour connaître, sur l’Internet transfrontière, des infractions informationnelles (injures publiques, discours Nazi, pédophilie, outrage public aux mœurs,  apologies terroristes …), si l’intention de son auteur a été de diriger un contenu vers un public d’un pays.

En la matière, le raisonnement juridique porte sur un faisceau d’indices corroborant la direction  de l’activité illicite vers un public sur réseaux sociaux, notamment : l’usage de la langue, le choix de l’adresse de nommage (DNS), l’unité monétaire affichée, l’hébergement de l’information sur un site, un blog, un groupe Whatsapp, un serveur accessible depuis la France…

Pour qu’on n’en oublie pas le cas pratique de la vidéo de Watanabé, l’usage du lingala présumerait d’avoir dirigé son activité vers un public congolais, en toutes conséquences.

Preuve électronique et droit pénal

En droit pénal, la preuve est libre, contrairement au droit civil avec sa hiérarchie de la preuve. Point n’est besoin d’équivalence de preuve littérale avec la preuve électronique (SMS, email, message Whatsapp) en vue de sa recevabilité dans une affaire pénale.

En RDC (2017-2018), la « jurisprudence Gécoco » aurait cristallisé une condamnation à une peine de prison de 18 mois pour outrage à Chef d’Etat à l’encontre d’un simple détenteur de message Whatsapp gravé sur son téléphone…  Il suffit que le juge surmonte deux difficultés formant la condition de recevabilité de la preuve électronique, à savoir : rattacher un message de donnée à un individu identifié et s’assurer que ce message ainsi rattaché est intègre.

Dans le cas, Watanabe, on identifie bien les protagonistes de la scène d’amour : les deux tourtereaux sont beaux dans leurs belles tenues de simple apparat pour deux êtres de la création. Fait qui rappelle que ce monde est merveilleux parce que Dieu créa la femme, mais ce fait ne suffit pas à rattacher la preuve électronique avérée à la qualification pénale souhaitée.

En d’autres termes, il est vrai qu’ils ont fait la chose, mais est-ce la chose pour laquelle ils sont susceptibles de poursuite en justice sur le chef d’accusation d’attentat à la pudeur ?

Attentat à la pudeur et revanche pornographique

L’attentat à la pudeur tout comme l’outrage public aux bonnes mœurs requiert, outre l’élément intentionnel (dol spécial), le critère indispensable de publicité de l’acte. Se filmer en train de faire l’amour, c’est comme danser en se regardant dans un miroir.

Rien d’infractionnel tant que cela reste bien claquemuré entre quatre murs d’alcôve ou dans la mémoire de stockage de son propre téléphone. La Constitution de la République garantit le droit fondamental de chacun au respect de sa vie privée et du secret de sa correspondance, les deux valeurs soit-elles aux prises au Numérique, à la télécommunication ou à toute autre forme de communication (article 31, Constitution, RD Congo, 18 février 2006). L’embryon du droit fondamental à l’autodétermination informationnelle se trouve à l’épreuve des atteintes à la vie privée en ligne comme un pan impuni de la cybercriminalité.

L’infraction de levée illicite de secret des correspondances émises par la voie des ondes est punie par la loi-cadre 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécoms en RDC (articles 52, 53, 54). Cependant, le régime protecteur, en faveur des internautes et usagers des TIC, ne semble sanctionner que les agents des sociétés de télécoms, les agents de police judiciaire ou de sécurité nationale qui sont débiteurs de la créance du droit fondamental concerné…

Internet est un espace public par excellence. Point ne serait besoin de prouver l’intention de diffusion publique, car le simple fait de poster quelque chose sur le Net convainc de l’épanchement à le partager à un public indifférencié. Il semble toutefois que Héritier Watanabé n’en n’a jamais eu l’intention. L’idylle des mots susurrés à l’oreille de la belle diva (Oh ! bon Dieu ! qu’elle est belle  sa partenaire !) devrait rester entre eux ainsi que pour leur cinéma à huis clos, selon plusieurs dires à étayer dans l’instruction de la cause, une tierce personne, dotée du savoir informatique aurait donné un autre destin en divulguant l’œuvre qui fut une bénédiction de clandestinité mais qui devint une malédiction de publicité.

Qu’en est-il du réparateur de téléphone ou de l’informaticien de maintenance qui subtilise les données du client quand celui-ci lui confie de bonne foi son portable son ordinateur pour des services techniques ? Puisque le technicien y découvre un contenu lubrique, il s’en accapare pour des fins de chantage ou d’échange amical ou intéressé. C’est de la sextorsion ! L’acteur du sexe-tape devient la victime d’une « revanche pornographique ».

Cette infraction nouvellement créée depuis les États-Unis d’Amérique sous le vocable anglais de « porn revenge » est reprise dans la Loi pour la République numérique d’octobre 2016 en France. Elle incrimine le fait d’exposer la nudité de quelqu’un contre son gré, souvent son ex-, dans les réseaux sociaux numériques ou sur Internet. La sanction pénale encourue en France est de 2 ans d’emprisonnement et de 60 mille euros d’amende.

Héritier Watanabé, s’il est l’acteur de la vidéo porno, s’il n’en est pas le diffuseur intentionnel, est donc la présumée victime. Victime de « sextorsion » pour extorsion de ses prouesses donjuanesques en tenu d’Adam. Oh ! Quel acteur !

Victime de « vengeance pornographique », oui en France et aux États-Unis, mais en RDC, pauvre Héritier Watanabé  est sous la vindicte des moralistes (souvent hypocrites, meilleurs connaisseurs du Kamasutra). « La colère des hommes n’accomplit pas la justice de Dieu », selon les Écritures. Il faut conclure par condamner le « voleur des données », ce cambrioleur des bisous langoureux de Héritier Watanabé et de sa belle dulcinée.

Jurisprudence du « vol des données », vie privée et téléologie du droit pénal

Notre Code pénal date de 1940. Il ne pouvait savoir qu’il existerait Internet, ni Apple créé en 1976 et son i-Phone 11, ni Googlecréé en 1998, en ni Facebook créée en 2004 et ayant racheté Whatsapp en 2014, pour se dire que la soustraction frauduleuse des données serait possible. La téléologie du droit pénal a consacré le vol de l’électricité sous le pied de l’article 79 du Décret de 1940 portant code pénal pour la RDC.

Nous sommes à l’ère de l’économie de la donnée et des « biens numériques ». En effet, la donnée prend la valeur d’un bien immatériel, du fait de son possible conditionnement, de son appréhension visuelle ou mémorielle sur support, de sa valeur d’usage et de sa valeur d’échange monétisé ou non.

Les données sexuelles des stars comme Shakira, Beyoncé ou Kim Kardashian valent de l’or. Ce qui a été soustrait à Héritier Watanabé depuis sa chambre dite « Kuzu » et son téléphone dit « tshombo » le démontre : il a été victime de vol de ses donnéespersonnelles.

Le juge congolais comme nous le disions déjà au 1er mars 2017 devrait évoluer avec son temps et rechercher l’informaticien voleur. Sinon ce serait comme condamner pour meurtre celui à qui on a volé l’électricité et dont le raccordement frauduleux a électrocuté un tiers.

Héritier Watanabé doit être regardé non plus dans son simple appareil, cependant son nouveau visage doit apparaître devant les fourches de la justice sous les lunettes non pas de l’émotion mais sous les traits d’un jeu abusé et désabusé à l’ère de l’Internet-roi. Courage l’Artiste !

Goma et Kinshasa, 17 novembre 2019

Kodjo Ndukuma A.

Docteur en droit de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Professeur de Droit du numérique / UPC

A RE(LIRE) :

Kodjo Ndukuma : « La loi contre la cybercriminalité ne viendrait qu’adapter le code pénal congolais…» (Audio)

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