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RDC : Inga, la nécessité d’en faire une question d’Etat !

Si « Trois gorges » est le plus barrage grand hydroélectrique au monde avec ses 21 000 MW en exploitation, Inga regorge le plus grand potentiel mondial, l’unique en son genre avec 44 000 MW. La RDC globalement, c’est plus de 100 000 MW de potentiel hydroélectrique équivalents à des recettes d’au moins 72 milliards USD directs sans compter les effets induits. En n’y investissant pas, notre pays joue avec à ses pieds d’enfants pauvres vivant dans une extrême pauvreté mais sur une mine d’or.
La possibilité de pouvoir produire une électricité propre en RDC et de la distribuer sur l’étendue de l’Afrique nous donnera une position géostratégique extrêmement importante. Nous parlons d’un macro – projet dont la réalisation, partant des études, financement, construction, production et transport pour alimenter les pays africains dépasse les 200 milliards USD. Montant que nous n’avons pas. Et projet pour lequel nous n’en avons pas les capacités de gestion, faute d’entreprises et d’expérience récente.
Dès lors que des Partenaires nous financent et nous apportent le savoir-faire, il est important qu’au moment des négociations nous soyons très prudents en mettant les meilleurs d’entre – nous au devant. De sorte que quand nous avons pris des engagements que nous ne regrettions pas. Car, nous les avons signés en toute connaissance et en toute responsabilité. On se doit de montrer une discipline exemplaire à l’exécution.
La grosse difficulté que nous avons, on nous l’a toujours reproché, c’est la versatilité. La République n’a pas le droit aujourd’hui de jouer avec le seul pilier fondamental que nous avons et qui n’a rien de comparable. Il est important qu’on ne laisse pas le sort de ce grand projet entre des mains éminemment politiques afin de garantir la stabilité et l’accumulation de résultats au delà des changements politiques. Cela devrait faire partie de l’orientation stratégique de l’Etat, bien au-delà des couleurs politiques.
Ça fait autant d’années que nous tournons autour du pot et nous passons à coté des milliards de dollars qui auraient pu donner du bien – être au peuple congolais. Il y a lieu d’intégrer le fait que notre souveraineté, à elle seule, ne nourrira pas nos enfants. Et donc, il est important que nous apprenions non seulement à assumer notre responsabilité géopolitique mais que, dans notre géo-économie, nous soyons en mesure d’assumer notre responsabilité interventionniste dans le destin d’autres pays qui désirent partager l’ambition de progresser avec nous.
Pourquoi la BM, la BAD et d’autres partenaires donnent – t – ils de l’argent pour que nous puissions faire des études ? Des nombreux pays en rupture d’énergie électrique comme le Nigéria, l’Angola, l’Afrique du sud (qui recourt au charbon et au nucléaire)… ne savent pas développer leur potentiel économique parce que nous ne sommes pas capables de leur fournir de l’énergie. Tant que nous ne leur donnons pas de solution, ils vont accumuler du retard, des maladies et des contre performances. Et dans ce monde mondialisant, ce retard est une responsabilité face aux générations futures et face à la jeunesse.
Certaines guerres auxquelles nous faisons face sont dues du fait que nous ne donnons de réponses aux voisins et dépendants. Nous devons être un puits d’opportunités et une bénédiction pour nos partenaires et non une malédiction. Nos performances doivent les tirer vers le haut et non l’inverse.
Le grand problème ici, c’est le modèle économique. Comment voulons – nous exploiter le potentiel d’Inga ? La SNEL n’est pas capable de porter ce projet. Il faut créer un nouveau véhicule légal qui devra garantir les intérêts économiques de tout le monde. C’est pourquoi dans toutes les négociations, les acheteurs du courant, les financiers et même les partenaires techniques veulent savoir si nous serons sérieux et performants dans la gestion des installations qui seront mises en place. Et ils sont prêts à investir pour s’assurer que leur destin est dans des mains responsables et capables.
Lorsque vous menez un projet de ce type, pour en garder le leadership, il faut en faire le design. Il faut que vous soyez vous, le propriétaire de la conception et de la vision. En ce moment là, vous faites les appels d’offre internationaux avec des cahiers de charges précis et les gens se joignent à vous. Le drame de notre pays c’est que nous n’avons pas fait ce travail. Et du coup, nous nous exposons à subir le dictat intellectuel des autres. Nous en exprimons les frustrations bien trop tard.
Je dis encore une fois. Si nous n’y prenons garde, nous allons continuer à tourner en rond. Entre – temps, le message que nous envoyons aux autres partenaires techniques et financiers est extrêmement mauvais, ça. Il veut dire en fait, qu’à chaque moment, nous sommes en mesure de changer notre point de vue laissant nos enfants et notre pays en état de pauvreté. Car, nous désirons contrôler l’entièreté du projet, en dehors des règles d’association.
Cela a pour conséquence que nous restons détenteurs de 100% des bijoux de famille bien placés sous le lit alors que la peste nous frappe, la choléra terrasse nos plus grandes villes, la fièvre jaune démontre notre impuissance technique et financière. 100% de zéro. Nous avons un devoir d’humilité et nous risquons de subir une critique sévère de nos jeunes générations.
En plus de la colère de certains pays africains intéressés, il y a aussi le dédain et la perte de respect de la part de tous ceux qui nous observent sans comprendre pourquoi nous ne pouvons pas faire les choses simplement et en toute transparence. Nous sommes assis sur des milliards de dollars. Nous sommes assis sur un potentiel qui peut relever économiquement et socialement toute l’Afrique. Mais nous ne jouons pas notre rôle. Et ils nous en veulent de manière sérieuse.
C’est peut – être l’autre sens le sens du lien entre l’instabilité politique dans laquelle nous sommes et éventuellement le fait que nous ne donnons pas de réponses géopolitiques et géostratégiques aux gens qui nous entourent et à nos enfants. La pauvreté est une gangrène intolérable. On ne la caresse pas. Il faut produire intensément les richesses et elle disparaîtra automatiquement sinon elle dressera nos propres enfants contre la nation.
Il est important que l’on se rende compte que chaque jour que nous perdons est un jour de trop. De l’eau qui coule vers l’océan sans produire de l’électricité, sans nous donner de l’argent et sans investir dans notre industrialisation, c’est de l’argent perdu à jamais. Nous le devons à nos générations d’aujourd’hui et celles de demain.
Nous avons le devoir d’efficacité. L’obligation de poser des actes conséquents pour être en mesure d’engendrer des effets économiques importants afin de pouvoir peser lourd. Face à notre niveau de pauvreté, les congolais sont en droit de savoir que l’un des grands piliers de leur relèvement économique, c’est ce potentiel hydroélectrique en commençant par le projet Inga. D’où la nécessité d’en faire une question d’état !
Tribune de A . L. Kitenge