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Kinshasa : développement économique de la RDC, Vital Kamerhe en appelle à « l’Union sacrée des intelligences »
La science, quotidien de l’Univesité de Kinshasa (UNIKIN), a été à son comble le jeudi 20 juin 2024 grâce à la conférence-débat animée par le professeur Vital Kamerhe autour du thème « Problématique du développement économique de la RD-Congo, terre d’espoir », inspiré de sa thèse de doctorat, rédigée en anglais et défendue début octobre 2019 à l’Hellenic american university d’Athènes.
Devant des membres du bureau de la Chambre basse, des Ministres, la crème scientifique de l’UNIKIN, conduite par le recteur Jean-Marie Kayembe, des étudiants et de nombreuses autres personnalités, Kamerhe, qui a retrouvé, 20 ans après, « la colline inspirée avec grande émotion », a donné le ton d’une « révolution scientifique » visant à doter la RDC d’un modèle économique à même d’impulser son développement.
Un sacré défi ! Une vision dont la matérialisation nécessite, selon Kamerhe, de constituer une « Union sacrée des intelligences », tant le pays a « longtemps été déconnecté du savoir et du savoir-faire ». Pas de temps à perdre, ni de « peur » à laisser émerger pour « commencer une nouvelle ère ». Plutôt, la détermination à « chercher à savoir : pourquoi autant de richesses pour vivre dans la pauvreté ».
Dans cette perspective, Vital Kamerhe, professeur associé à l’UNIKIN, a replongé dans les racines du « mal structurel » et du « système économique » de la RDC depuis l’époque de l’Etat indépendant du Congo (EIC) qui « n’est pas fait pour développer le pays ».
« Le Congo est un paradis que nous avons transformé en enfer. En 1885, Léopold II n’a pas fourni beaucoup d’efforts. Il a assigné aux congolais des quantités de production… la sanction était sévère (pour quiconque n’atteint pas son quota) : on te coupe le bras. Et, les gens devaient travailler. C’était un modèle avilissant. », a déploré Vital Kamerhe lors de son exposé, suivi avec une attention particulière par les participants.
Ce dernier a enchaîné qu’« en 1908, les belges ont remplacé la machette de Léopold II par la bastonnade. C’était une culture imposée avec chocotte à la main. Et, nous avons vu la création des grandes sociétés à charte : Union minière, MIBA, Kilomoto ».
Les modèles économiques et de gestion léopoldien et belge ont été tels qu’ils n’ont pas permis à la RDC de décoller.
« En 1960, nous avons eu effectivement l’indépendance mais cette indépendance était politique. Nous avons oublié de faire la remise et reprise économique avec la Belgique. Notre pays, qui avait des réserves importantes et qui était premier dans beaucoup de cultures et de productions minières, nous a laissé dans l’illusion d’une embellie qui continue alors que le mal de l’économie avait déjà ses racines dans le modèle léopoldien. », a relevé l’ancien Vice-Premier Ministre en charge de l’Economie, déplorant qu’en 1960, les pères de l’indépendance n’ont « pas pensé à un modèle économique congolais ».
« Nous n’avons pas pensé au modèle d’accumulation du capital et nous avons continué à consommer. Et comme l’indépendance signifiait que les gens devaient quitter le village pour venir voir la lumière dans de grandes villes, les bras qui produisaient dans des campagnes étaient devenues des bouches à nourrir dans les villes. La production a commencé à baisser. », a regretté Kamerhe, avant de rajouter, à cette problématique, l’instabilité des institutions provoquée notamment par de nombreuses rébellions auxquelles le pays a été confronté.
« C’est comme si les congolais s’étaient entendus pour ne jamais s’entendre », a, une fois de plus, déploré Kamerhe, appelant les uns et les autres à « prendre courage et (à) dire que c’en est trop ».
Pour lui, on ne peut pas continuer à enterrer des congolais dans des « minerais ».
L’elu de Walungu a démontré l’échec de différents modèles économiques et de la gestion de l’ère Mobutu. Notamment la zaïrianisation et la gestion du pays par des professeurs des universités.
« En réalité, même si aujourd’hui on prenait Einstein, Obama pour gérer la RDC, ils vont échouer, parce que le mal est d’abord structurel et le système n’est pas fait pour développer le pays. », a-t-il noté, irrité de constater comment le pays a considérablement régressé après environ 65 ans d’indépendance alors qu’en 1960, il avait le même niveau que le Canada et légèrement supérieur à la Corée du Sud.
Ces pays, a soutenu Vital Kamerhe, n’ont pas usé de magie quoi qu’ils ne soient pas aussi pourvus en ressources naturelles que la RDC. Ils doivent leur développement à « l’intelligence, la bonne gouvernance, l’organisation ».
La comparaison entre la RDC et le Canada ou encore la Corée du Sud semble donner raison à Georges Soros qui a toujours défendu la thèse de la « malédiction des ressources naturelles de la RDC». Kamerhe, en plus de s’inscrire en faux, a affirmé que « ce n’est pas une malédiction ». Il est convaincu que « notre situation n’est pas une fatalité ».
Le professeur Kamerhe est hyper confiant quant au développement économique de la RDC. Pour cela, il a martelé qu’il faut commencer à travailler dès maintenant, sans attendre.
Vital Kamerhe a fait savoir que la RDC a connu en général deux moments de semblant de stabilité et de croissance, en 1960 et en 2011 à 2016.
Pour lui, le modèle économique du Congo, partant de la période après indépendance à nos jours en passant par les 30 ans de Mobutu, n’a fait que maintenir le Congo dans une économie extravertie qui ne fait que regresser le pays, car consue pour construire l’industrie belge.
« Nous devons mettre un système compatible avec le développement en place. Le système de la République démocratique du Congo sans modèle de développement depuis 1960; même si vous appelez Macron, Xi Jin Ping, Obama… ils vont échouer, puisque les mêmes causes vont produire les mêmes effets. », a-il-dit dans son exposé.
Par ailleurs, le Professeur Kamerhe a affirmé que la RDC a des atouts qui peuvent faire avancer le pays sur le plan économique. Il a cité entre autres les ressources hydriques avec plus de 50 % des eaux douces du monde, les terres qui sont comptées à 80 millions des terres arables et 40 millions irriguables, les forêts qui représentent le deuxième poumon mondial après le Brésil, la biodiversité, le capital humain avec plus de 100 millions d’habitants et le secteur minier qui tient une bonne partie du budget de l’Etat. Pour lui, les recettes issues de ce secteur des mines peuvent être reversées dans d’autres secteurs entre autres l’agriculture qui peut favoriser les 6 millions d’emplois tel qu’envisagé par le Président Tshisekedi dans les 5 années qui viennent, les infrastructures de transports pour relier le pays afin que les produits arrivent dans les centres de Consommation.
Un leadership de qualité en RDC, le monde scientifique s’en mêle !
L’exposé de Kamerhe a piqué la sensibilité d’Augustin Matata Ponyo, ancien Premier ministre et professeur des universités, qui est intervenu pour soutenir que la RDC ne peut se développer sans un « leadership fort et visionnaire ».
Consécutivement à l’intervention du Chef du Gouvernement honoraire, d’autres conférenciers ont exposé autour des quatre sous-thèmes au menu des débats dans des panels.
Le premier panel s’est penché sur l’analyse des modèles de développement historiques de la RDC, alors que le deuxième a porté son attention sur la place de la rhétorique politique et perspective du modèle économique congolais.
Au troisième panel, les débats se sont focalisés sur les stratégies pour une diversification économique inclusive. Les stratégies de création de classe moyenne, de chaîne de valeur agricole pour une autosuffisance alimentaire ont constitué la charpente des discussions dans le quatrième panel.
Parmi les exposants en panels, le Ministre d’État au Développement rural, Muhindo Nzangi, les Ministres Jean-Lucien Bussa, Julien Paluku, Teddy Lwamba, en charge respectivement du Portefeuille, de l’Industrie et des Ressources hydrauliques.
L’ancien Ministre du Numérique et professeur à l’UNIKIN, Eberande Kolongele, est aussi intervenu en panel aux côtés d’autres invités de marque.
Doctorant, Jean-Lucien Bussa a reposé son intervention sur « la diversification de l’économie ». Celle-ci, a-t-il soutenu, devra être axée sur la stabilité institutionnelle et la qualité du leadership qui doit être stratège, gestionnaire et visionnaire.
« Notre économie est restée traditionnelle. Lorsque la manne a été produite, elle n’a pas été orientée vers l’industrialisation du pays. Notre PIB est constitué des produits miniers, pendant que le PIB des autres pays sont constitués de l’industrie (domaine recherche et développement).», a déclaré l’actuel Ministre du Portefeuille.
A la suite de Bussa, Julien Paluku a reconnu, sur un ton très affirmatif, qu’en RDC, il existe bel et bien un leadership de qualité qui est gestionnaire et visionnaire. Il a partagé, avec l’assistance, les six piliers susceptibles de booster le développement économique de la RDC. Notamment les infrastructures routières, les composantes ferroviaires, les composantes aéroportuaires, les ports importants, les infrastructures énergétiques ainsi que les composantes zones économiques spéciales. Julien Paluku a par ailleurs appelé à la sécurisation des zones économiques spéciales.
Olivier KAFORO