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Quentin Parrinello : « L’initiative du G-20 visant à instaurer un impôt minimum sur la fortune des ultra-riches peut générer 250 milliards USD par an si on applique un taux de 2% »

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L’actuelle présidence brésilienne du G-20 soutient l’idée de taxer les ultra-riches (milliardaires) afin de mobiliser des fonds nécessaires pour faire face aux défis mondiaux et ainsi réduire les inégalités.

Dans cette optique, le Président Lula a commissionné Monsieur Gabriel Zucman, professeur à UC Berkely dont les recherches portent sur la richesse mondiale, les inégalités et les paradis fiscaux, pour proposer un plan global à soumettre au débat au sein du G-20.

Dans un entretien exclusif accordé à Zoom Eco à Washington lors des Rencontres de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international d’avril 2024, Quentin Parrinello, conseiller politique du professeur Zucman, explique les enjeux autour cette initiative novatrice.

Zoom Eco : Bonjour Monsieur Quentin Parrinello. Vous êtes conseiller politique de Monsieur Gabriel Zucman, chargé de réfléchir et de produire un rapport autour de la nouvelle initiative qui consiste à taxer les plus riches. Une initiative de la présidence brésilienne du G-20. En attendant que vous rendiez votre rapport et que les politiques au niveau du G-20 puissent décider, expliquez-nous en plus bref en quoi consiste cette initiative ?

Quentin Parrinello : cette initiative, elle doit beaucoup à la volonté politique de la présidence du G-20 qui, cette année, est le Brésil qui a décidé de mettre au centre de son mandat la lutte contre les inégalités et notamment le fait d’avoir une reforme internationale pour s’assurer que les ultra-riches soient correctement taxés. Ça part d’un certain nombre de recherches qui ont notamment été menées par Gabriel Zucman et qui montrent que dans tous les pays pour lesquels on a des données, ce qu’on voit ce que on n’arrive pas à taxer correctement les ultra-riches. On se retrouve dans une situation qui est : ceux qui ont le plus de moyens pour payer les impôts paient proportionnellement beaucoup moins que la classe moyenne, que les classes populaires. Ça exacerbe les inégalités, ça affaiblit le consentement démocratique et surtout c’est beaucoup d’argent de revenus fiscaux en moins pour financer l’hôpital, pour financer l’éducation, pour financer la lutte contre le réchauffement climatique.

Zoom Eco : Et comment comptez-vous inverser cette tendance dès lors que nous avons qu’il n’y a pas des millions d’ultra-riches, mais il y a plutôt des milliards de citoyens. Comment allez-vous manager cela ?

Quentin Parrinello : C’est une très bonne question. Effectivement, on a proposé un scénario qui doit être discuté. C’est un scénario qui est proposé en février dernier (2024). C’était une taxe, un impôt minimum équivalent à 2% de la fortune des ultra-riches. Cela veut dire que si les ultra-riches payent déjà des impôts qui équivalent à 2% de leur fortune, ils n’ont pas à payer ça ; mais s’ils ne paient pas ce montant-là, on met en place cet impôt supplémentaire. Et donc ce qu’on montre ce que cet impôt au niveau d’ultra-riches, des milliardaires par exemple, un peu moins de 3 000 individus, ce n’est pas grand monde mais ils ont une fortune considérable. Et selon le scénario qu’on a modélisé et présenté aux ministres de finances du G-20, on avait un revenu attendu au niveau mondial de l’ordre de 250 milliards de dollars. C’est beaucoup plus que les dernières réformes fiscales internationales qui ont été mises en place. On pense notamment à l’impôt minimum sur les multinationales. Ça serait environ la moitié des revenus nécessaires à lutter contre le changement climatique dans les pays en développement.

Zoom Eco : Est-ce que vous avez déjà une idée de ce que représenterait cet impôt là une fois collecté ?

Quentin Parrinello : un des scénarios qu’on a mis en place, c’est cet impôt minimum à 2% sur la fortune des milliardaires, un scénario, on va en modéliser d’autres, mais ce scénario là le revenu attendu est de 250 milliards de dollars par an. C’est phénoménal en termes de revenus attendus, beaucoup plus que l’ensemble des dernières réformes fiscales et du coup ça peut avoir un impact extrêmement important sur les revenus fiscaux collectés au niveau national.

Zoom Eco: Alors il y a des questions autour de cette initiative notamment en ce qui concerne l’utilisation des fonds que vous allez mobiliser. Qu’est ce qui est prévu dans votre démarche en termes de gestion de ces fonds ?

Quentin Parrinello : C’est une question fondamentale. Nous, on peut proposer des scénarios, à la fin c’est les décideurs politiques qui devront décider quel est le scénario retenu, celui qui a fait le consensus, celui qui a fait le compromis. Pour vous donner deux modèles opposés, on peut trouver un compromis entre les deux : on peut avoir le modèle où l’argent est collecté par les pays où les ultra-riches résident. C’est légitime de se dire que si vous avez fait fortune c’est notamment parce que vous avez bénéficier d’un système de santé; et d’un système de l’éducation, d’infrastructures. Mais dès lors qu’on prend ce scénario là on risque d’avoir des distributions de revenus extrêmement inégalitaires, beaucoup aux Etats-Unis, beaucoup plus en Chine, moins dans les autres pays. Un autre modèle qui est possible, c’est de dire que la fortune de ces milliardaires, de ces ultra-riches, elle est notamment dépendante de l’accès au marché des entreprises qu’ils possèdent et que cet accès au marché est beaucoup mieux distribué dans un plus grand nombre de pays. Ces entreprises ont des empreintes carbones phénoménales qui impactent l’ensemble de citoyens à travers le monde et donc, on peut penser des scénarios de redistribution beaucoup plus larges. Ça fait partie des idées qu’on va mettre dans le débat ; mais à la fin ce n’est à nous de décider, ce sera aux décideurs politiques.

Zoom Eco : Il est vrai que l’initiative est partie du G-20, comment elle pourrait être implémentée sur l’ensemble des régions du monde ?

Quentin Parrinello : Si on regarde l’ensemble des négociations fiscales à l’internationale ces dix dernières années, qu’est-ce qui se passe ? vous avez le G-20 qui crée une forme de premier consensus en disant ça c’est un enjeu, il faut qu’on en parle mais on va mandater des organisations extérieures pour avoir des dialogues avec beaucoup plus de pays. Récemment ça a plutôt été l’OCDE qui faisait ça dans un cadre inclusif. Il y a eu jusqu’à 140 pays avec des critiques sur le mode de gestion mais il y avait 140 pays qui discutaient. A voir si cette fois-ci ça sera l’OCDE, si ça sera l’ONU, si ça sera d’autres organisations, nous on pense que le G-20 a vocation à donner un mandat à une organisation internationale pour discuter de l’ensemble des détails. Et Nous, avec notre apport, on veut se mettre l’ensemble des questions sur la table. Nous, on n’y répondra pas nous parce que ce n’est pas à des chercheurs de dire que ça soit 2%, 3%, 5% ,1%. Ce qu’on peut dire c’est que si vous faites 2%, ça peut rapporter 250 milliards de dollars, si vous faites à un taux plus élevé ça peut rapporter plus, un taux moins élevé ça peut rapporter moins. Le consensus politique ce n’est pas à nous de le décider.

Zoom Eco : Combien de temps faudrait-il attendre pour que ce projet arrive à la phase de maturité ?

Quentin Parrinello : C’est une belle question. Les négociations sur les multinationales ont pris 7 à 8 ans. Est-ce que ça sera 7, 8 ans ? Est-ce que ça sera 10 à 15 ans ? Est-ce que ça sera 3, 4 ans ? On espère que ça sera le vite possible. C’est un enjeu fondamental. Pas simplement pour la question de revenus mais aussi pour la question de la confiance dans l’Etat. Ce n’est pas normal que ceux qui ont plus de moyens paient moins que les autres.

Zoom Eco : Nous vous remercions.

Quentin Parrinello : Merci.

Propos recueillis par Patrick BOMBOKA

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