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Kodjo Ndukuma : « Les aspects clés de l’économie numérique dans les marchés africains et congolais»

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[Extrait de la thèse de Doctorat] – Le présent article commence la série des publications, par courts extraits, de la thèse de doctorat de Kodjo Ndukuma A., telle qu’élaborée, soutenue et reçue sous la « mention très honorable avec les félicitations du jury » au sein de l’école doctorale de droit (comparé) de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (France). La thèse s’intitule : « Le droit de l’économie numérique en République démocratique du Congo à la lumière des expériences françaises et européennes ».

Précisément, l’«économie numérique» est liée à l’utilisation des techniques électroniques dans les différents domaines de l’économie postmoderne 1 : « Définie strictement, l’économie numérique se compose de quelques secteurs spécialisés tels que les télécommunications, l’édition des logiciels ou les sociétés des services et d’ingénieries informatiques (SS21) ; mais elle se déploie aujourd’hui bien au-delà et tend à transformer la qualité des secteurs d’activité : industries culturelles, presse, commerce et distribution, transport des personnes, services financiers… ».2 

Ci-dessous : le profilage statistique de l’économie numérique africaine, suivi des indications sur la situation du marché électronique en RDC, tel que figurant dans la thèse.

  1. Le profilage statistique de l’économie numérique africaine

Il est important de relever les aspects factuels de l’économie numérique africaine, pour en comprendre les enjeux juridiques clés. Disposer d’une cartographie d’ensemble est indispensable pour appréhender la typologie des marchés et de l’économie […]

Les chiffres donnent toujours une idée quantitative et représentative. Ils dessinent justement «les pratiques qui se sont développées sur Internet et le renouvellement des problématiques et modes de raisonnements qu’elles induisent ».3 […]

La révolution numérique est résolument en marche […] En Afrique, la téléphonie mobile est de manière caractéristique, le premier support d’accès à Internet […]. En 2015, elle enregistrait plus de 700 millions d’abonnés en Afrique, soit plus que les États-Unis et l’Europe en nombre respectif d’habitants. La pleine croissance du taux de connexion a permis de situer à 4% du PIB le niveau des revenus issus d’Internet sur le marché africain. En 2013, le seuil de 18 milliards de dollars de revenus avait été dépassé, alors que les prévisions pour 2025 laissent entrevoir une contribution d’Internet au PIB africain de l’ordre de 300 milliards de dollars et le franchissement du seuil de plus d’un milliard d’abonnés de téléphone mobile. Mais quoiqu’il en soit, le niveau d’accès à Internet reste encore faible avec 10% d’internautes africains dans le monde.

La fulgurante croissance du secteur des télécoms est contrastée dans certains sous- secteurs, en dépit de 66% d’abonnements téléphoniques en 2013. Ce taux représente 617.279.080 africains branchés au réseau mobile, dont la moitié utilise une connexion Internet par cette voie.5 Mais, le faible taux de pénétration de l’Internet haut débit témoigne de grands défis de développement numérique, liés principalement au faible ratio des infrastructures de télécoms et au déficit électrique du continent. La fracture numérique retarde le décollage digital du continent africain, à cause de plusieurs facteurs : faible débit, coûts de connexion élevés et inégalité des niveaux d’accès à l’Internet entre villes, villages et entre pays.6 La participation des secteurs public et privé reste indispensable au désenclavement du continent, face aux besoins colossaux d’investissements en infrastructures.7

À ce propos, la communauté SADC, dont la RDC et l’Afrique du Sud sont membres, a publié en 2012, son plan directeur de développement des infrastructures régionales. Sur ce registre, le déploiement des réseaux de télécoms souffre du manque de développement d’autres infrastructures de base, telles que l’électricité et les routes. En 2016, environ 60% de la population d’Afrique australe ont adopté la technologie mobile, dont 20% seulement sont sur lignes fixes. Toutefois, 6% des abonnés à la téléphonie vocale utilisent le téléphone fixe.8 Dans toute la région, seulement 4% des résidents de la SADC ont accès à l’Internet, bien que l’usage varie considérablement entre les États membres, dont 1% en RDC (le taux le plus bas) contre 40% aux Seychelles (taux le plus haut).9 Moins de 25% d’échanges de trafic Internet se déroulent dans les frontières entre les États membres de la SADC (échanges entre voisins).10 Le reste des échanges se fait à l’extérieur de la région. Comme pour le reste du monde, le volume de courrier postal décline à un taux annuel de 5%, mais le transport des colis et courriers est en pleine croissance en raison du commerce électronique.11 

Pour répondre aux enjeux d’intégration économique grâce au numérique, la SADC a défini ses priorités en nouvelles infrastructures pour l’horizon 2027. Elle envisage d’offrir un prix abordable pour la connectivité de ses citoyens à Internet. Pour ce faire, cette organisation d’Afrique australe dispose d’un « Plan du secteur des technologies de l’information » et d’un « Plan directeur de développement des infrastructures régionales ». Les composantes de ces plans se structurent autour de quatre piliers stratégiques de développement, à savoir : 1° infrastructures de l’information, 2° renforcement des capacités et amélioration des contenus, 3° services et applications électroniques, 4° recherche, innovation et développement de l’industrie des télécoms.12 Ceci n’est pas sans rappeler les axes du projet e-Europe.13 

À plusieurs égards, l’Afrique est la nouvelle terre de conquête du commerce électronique pour les grands acteurs internationaux. Il ne s’agit pas que d’un assaut du marché africain par les multinationales, mais aussi d’une participation des acteurs locaux à l’essor des classes moyennes africaines via les réseaux électroniques. Pour 2025, les économies africaines les plus dynamiques pourraient franchir le seuil de 10% de vente en ligne, avec 75 milliards de dollars de transactions annuelles.14 La durabilité du scénario promet un impact positif, tant pour les entreprises, – en termes d’économies de production, de renforcement de la chaîne d’approvisionnement (stockage, livraison), de développement du paiement en ligne, – que pour les pays en termes d’infrastructures, de développement du marché africain.

Toutefois, plusieurs contraintes demeurent et constituent des enjeux majeurs, à savoir : le cadre juridique (protection des consommateurs, cybercriminalité, transparence), l’offre d’accès et les cultures locales (faible taux d’équipement Internet, coût du haut débit, confiance face au paiement dématérialisé, analphabétisme), faiblesse des autres réseaux logistiques d’acheminement des produits achetés en ligne (insécurité, fragmentation et disparités des marchés).15 Il s’ajoute à cette liste des contraintes la défaillance des réseaux postaux.

Dans l’ensemble, la popularisation progressive d’Internet transforme l’économie africaine. Elle fait évoluer les comportements des utilisateurs. Les entreprises accompagnent ces externalités du réseau, en investissant et en innovant, avec un dynamisme constant des jeunes start-up africaines. Les nouvelles solutions de la Net économie africaine deviennent appréciables. Du côté des entreprises, l’ouverture de nouveaux marchés et l’augmentation des échanges commerciaux est une perspective encourageante. Les États africains présentent des perspectives concrètes de modernisation de l’accès à leurs services publics, tandis que des progrès sont perceptibles dans la constitution d’un marché intra-africain de l’économie numérique (réseaux sociaux numériques, biens culturels, …). Du coté des populations, le désenclavement des marchés de consommation permet, grâce aux TIC, l’accès à des facilités, sous formes d’applications numériques à usage courant, comme la banque mobile, l’accès mobile aux données de la météo ou à l’information sur le cours de vente des productions paysannes, l’e-santé, l’apprentissage à distance, l’e-administration.16 La situation du marché numérique congolais confirme ces évolutions et transformations numériques.

  1. La situation du marché de la téléphonie et de l’économie numérique en RDC

S’agissant précisément de la RDC, le marché des télécoms est dominé par le secteur privé, avec quatre opérateurs de téléphonie et d’Internet mobiles, à savoir : Airtel Congo, Vodacom RDC, Orange RDC et Africell RDC. L’opérateur historique, OCPT, ne dispose pas d’un réseau d’accès ouvert aux particuliers, comme clients finaux (retail sales), son réseau à fibre optique est destiné au marché de transport entre opérateurs (whole sales).

Au cours du troisième trimestre 2016, le jeu concurrentiel […] est caractérisé par une forte concentration du marché de la téléphonie et de l’Internet mobiles, autour de deux opérateurs, détenant respectivement 63% (Orange) et 73% (Vodacom) des parts globales de marché. Le rachat de Tigo en fin mars 2016 par Orange permet à cette dernière de rester le leader sur le segment de l’Internet mobile avec 41,56% de parts de marchés contre 32,65% pour Airtel, 21,95% pour Vodacom et 3,35% pour Africell. Pour la période, l’ARPTC note un total de 28.335.503 d’abonnés au réseau GSM, de 7.157.537 souscriptions à l’Internet mobile (3G) et de 2.236.337 utilisateurs du transfert de la monnaie électronique via leurs téléphones. Les calculs sont effectués sur la base d’une estimation de la population d’environ 78.800.000 habitants en 2016, faute de recensement officiel de la population depuis 1984. L’ensemble des opérateurs privés ont réalisé un revenu global de 292,18 millions de dollars américains jusqu’au 3ème trimestre 2016. Pour la période, les taux de croissance sont de : 3,81% en nombre d’abonnés et de 1% en taux de pénétration mobile, ce dernier étant de l’ordre de 35% à 36% de la population accédant aux télécoms dans le pays.17

Des croissances positives [ont été] enregistrées entre les 2ème  et 3ème trimestres 2016. Quant aux revenus, ils ont connu une croissance de 3,4%, soit de 282,5 à 292,18 millions de dollars américains. Le revenu moyen par utilisateur (ARPU) est en hausse de 3,33 dollars à 3,50 dollars dépensés par abonné et par mois, pour les services d’accès au réseau. Les quatre opérateurs précités ont généré un volume global d’appels de l’ordre de 4,25 milliards de minutes (hausse de 6,88%), tandis que 2,43 milliards de SMS ont été échangés. Plusieurs services de la société de l’information s’appuient sur la disponibilité d’accès aux réseaux de téléphonie de base et d’Internet mobile : ces activités numériques en ligne dits « services à valeur ajoutée » [SVA] relèvent spécifiquement du commerce électronique. L’observatoire du marché numérique présente les indicateurs de revenus, qui attestent de la vitalité de l’économie numérique en RDC.18

Notre tableau : croissance des revenus du marché de téléphonie mobile en RDC (2ème et 3ème trimestre 2016)19

Services 2015 (en dollar)2016 (en dollar)Taux de croissance
Appels vocaux248.151.410222.919.930-10,17%
SMS11.108.99112.780.09015,04%
Internet mobile34.320.92239.972.52516,47%
Mobile money 206.413.131
Autres SVA9.380.87710.099.5317,66%
Total302.962.201292.185.206-3,56%

Source : ARPTC/observatoire du marché

En conclusion, les données du marché ci-dessus présentent une situation chiffrée de l’économie numérique en Afrique et de la RDC. Le continent n’a pas de système juridique homogène, ni d’institutions supranationales, mais il est un espace de marché électronique en pleine croissance, dans l’économie numérique mondiale.

[Le prochain extrait de thèse présentera «l’hétérogénéité des systèmes juridiques de l’Afrique face aux enjeux mondiaux des télécoms. »]

A télécharger : Les aspects clés de l’économie numérique dans les marchés africains et congolais

Kodjo NDUKUMA ADJAYI.

Docteur en sciences juridiques de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Spécialiste en droit du numérique et en droit public comparé

 

Notice bibliographique

[1] J.-J. PLUCHART, « Vers un capitalisme post-moderne », in Magazine Panthéon Sorbonne, L’Art et le temps, n°20, Université Paris 1, janv.-mars 2017, pp. 29-31.

[2] M. DE SAINT PULGENT, « Les besoins d’interrégulation engendrés par Internet. Propos introductifs », in M.-A. FRISON ROCHE (sous la dir.), Internet, Espace d’interrégulation, Dalloz, Paris, 2016, p. 3.p. 3.

[3] J. ROCHFELD (sous la dir.), Les nouveaux défis du commerce électronique, LGDJ, Paris, 2010, p. 1-2.

[4] Cf. pour les chiffres : ABDOULAYE BIO TCHANE, « révolution mobile et numérique en Afrique : le saut qualitatif pour fournir les biens et services », Forum Forbes Afrique, 21 juillet 2015.

[5] ALINDAOU CONSULTING INTERNATIONAL, (Consulting international), La révolution numérique en Afrique : le saut qualitatif pour fournir les biens et services, Étude présentée au Forum Forbes Afrique, Brazzaville, juillet 2015, p. 4.

[6] Cf. [www.nepad.org]. Le NEPAD estime à 93 milliards de dollars américains par an le besoin en investissement pour couvrir les besoins de l’Afrique en Infrastructures d’utilité publique dans les secteurs des TIC, de l’eau, de l’énergie, du transport et du commerce.

[7] ABDOUL KARIM SALL, Y. BENARD, H. JAFFAR, T. MOUNGALLA et E. ASU, «Décollage digital du continent : le défi des infrastructures » (panel 1), Forum Forbes Afrique, 21 juil. 2015 :

[8]Source : [http://www.sadc.int/themes/infrastructure/ict-telecommunications/] (consulté le 13 juillet 2016).

[9] Ibidem.

[10] Ibid.

[11] Ibid. En soutien au commerce électronique, pour la livraison des commandes en ligne, Les services postaux nationaux traitent 96% des lettres domestiques et 80% des lettres internationales, mais seulement 28% des colis nationaux et 20% des colis internationaux.

[12] Ibid.

[13] A. TROYE-WALKER, « Le cadre juridique du commerce électronique en Europe », première session : « le cadre juridique international du commerce électronique », in J. RAYNARD (sous la dir.), Les premières journées internationales du droit du commerce électronique, Actes du colloque de Nice des 23,24 et 25 octobre 2000, Litec, n°20, Coll. actualité de droit de l’entreprise, Cahors (France), 2002, pp.1-20.

[14] JEREMY HODARA, MBWANA ALLIY et NINO NJOPKOU, « Le e-commerce en Afrique : comment dépasser les contraintes ? », 21 juil. 2015, panel 3, in Forum Forbes Afrique, préc.

[15] Ibidem.

[16] D. COHEN, D. GORDON, S. ZHANG, O. GALZI et K. BHATTACHARYA, « Le numérique, vecteur de croissance inclusive pour l’Afrique», 21 juil. 2015, panel 2, in Forum Forbes Afrique, préc.

[17]ARPTC, Observatoire du Marché de la téléphonie mobile, Rapport du 3e trimestre 2016, Direction économie et prospective, Kinshasa / RDC, p. 3.

[18] Ibidem.

[19] Ibid, p. 23.

[20] P. STORRER, Droit de la monnaie électronique, RB édition, Paris, 2014, pp. 19-26. La première partie de son ouvrage concerne la « Notion de monnaie électronique ». Mobile money : monnaie électronique transférée ou générée par des dispositifs techniques mobiles à travers les réseaux de télécommunications (cellulaires). La « monnaie mobile » relève la particularité du mode de circulation à travers des médias offrant la mobilité aux utilisateurs sous forme de porte-monnaies électroniques.

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